ÉPISODE 2 – Les maquettes de Titanic
Explorez le cinéma selon vos préférences
Découvrez la toute nouvelle expérience dédiée aux passionnés de cinéma : un moteur de recherche intelligent, des expériences exclusives, des contenus inédits et personnalisés.
Créez gratuitement votre compte pour bénéficier des Privilèges We Love Cinéma!
La scène : Fierté des armateurs anglais, réputé insubmersible, le Titanic se brise en deux, avant de sombrer dans les abîmes glacés de l’océan Atlantique Nord. Il emporte avec lui la vie de centaines de passagers et l’orgueil démesuré de ses créateurs.
La scène est restée gravée dans la rétine des spectateurs depuis 1997, on vous explique comment elle a été conçue, grâce au génie de maquettistes.
En collaboration avec le magazine Troiscouleurs, découvrez un métier du cinéma, en explorant les coulisses d’une scène culte. Dans cet épisode, on revient sur le travail de Gene Rizzardi et George Stevens, chefs maquettistes sur Titanic.
_Par Julien Dupuy
Voire les choses en grand
Parmi les nombreux paradoxes du cinéma, il y en a un particulièrement savoureux : plus l’élément à créer pour un film est énorme, plus il est probable qu’il soit conçu en modèle réduit ! Ainsi, dès 1927, Willi Muller et Edmund Zeihfuss avaient bâti une mégalopole tentaculaire, grâce à un incroyable modèle réduit, dans Metropolis de Fritz Lang. L’histoire du cinéma est ainsi émaillée de séquences créées grâce à des modèles réduits : pour représenter des véhicules cyclopéens, ressusciter des monuments détruits ou concevoir des scènes impossibles à filmer en taille réelle.
C’est un peu pour toutes ces raisons à la fois que Titanic de James Cameron reste l’une des grandes références en la matière, avec des miniatures du paquebot d’une incroyable perfection. Ce défi est relevé par Gene Rizzardi et George Stevens, deux spécialistes des maquettes ultra-réalistes, comme l’avait prouvé à l’époque l’excellence de leur travail sur les fusées d’Apollo 13 de Ron Howard (1995).
D’après nature
James Cameron oblige, le niveau d’exigence est intimidant sur Titanic. En particulier en ce qui concerne la reconstitution du navire éponyme, véritable star du film. Totalement habité par son projet, Cameron fait feu de tout bois pour obtenir une authenticité maximale : il récupère les plans originaux des chantiers navals d’Harland and Wolff en Irlande du Nord, où fut construit le véritable paquebot, et impose aux maquettistes la présence d’un consultant historique, quasi en permanence.
Mais James Cameron ne s’arrête pas là : il effectue lui-même une plongée sur l’épave, à 3 843 mètres de profondeur, pour en ramener des images qui serviront au film et affineront la connaissance qu’a son équipe du véritable bâtiment.
Un titan miniature
La première maquette du Titanic à voir le jour n’apparaîtra jamais à l’écran : elle respecte pourtant scrupuleusement les proportions du navire original, et fait tout de même 6 mètres de long. En réalité, ce modèle ne sert qu’à définir l’organisation du tournage, et surtout à planifier la mise en scène à l’aide d’une caméra miniature.
La maquette qui figurera dans la plupart des plans larges et mobilisera les efforts de Gene Rizzardi et George Stevens, est construite à l’échelle de 1/20e : elle fera donc 14 mètres de long ! Autant dire que sa conception tient du chantier naval. Gene Rizzardi ne s’y trompe pas et débauche des constructeurs de bateaux, basés à Santa Barbara, pour étoffer son équipe de 50 maquettistes.
La structure de la coque est similaire à celle d’un véritable bateau : elle est constituée de contreplaqué en bouleau, renforcé par des tubes en acier. L’armature est ensuite recouverte de planches de bois stratifié, puis de fibre de verre. Une fois cette imposante coque terminée, le travail des miniaturistes peut réellement commencer.
Des petits trous
Toujours en se basant sur la documentation réunie par Cameron, l’équipe de Stevens et Rizzardi doit ensuite fabriquer, principalement en acrylique, une quantité faramineuse d’éléments qui habillent le pont : des canots de sauvetage, des bossoirs, plusieurs grues, des bancs, des bouches d’aération, etc.
La coque est recouverte de fines plaques en plastiques censées simuler le revêtement en acier du vrai Titanic. Il faut également percer tous les hublots, dont la forme varie en fonction de leur emplacement sur la coque qui est légèrement incurvée. Au centre, les hublots sont ronds mais ils deviennent de plus en plus ovoïdes à mesure que l’on s’approche des extrémités du navire.
Le pire cauchemar des maquettistes reste les rivets : il faut percer 100 000 trous, tout au long de la coque, dans lesquels on colle de minuscules demi-cercles. Un travail colossal et laborieux qui demande à lui seul trois semaines de travail.
Touché, coulé !
En plus de ce modèle qui n’a de réduit que le nom, le film nécessite une miniature du paquebot, uniquement destinée à la scène lors de laquelle le navire, submergé de moitié, se brise en deux.
Cette fois, seule la portion émergée du Titanic est reproduite à l’échelle 1/8e, pour atteindre plus de 18 mètres de long ! La méthode adoptée pour le construire reste inchangée, avec néanmoins deux ajouts importants. Il faut tout d’abord créer le mouvement de rupture du navire, à l’aide de vérins hydrauliques camouflés dans la coque. Ensuite, les maquettistes doivent construire l’intérieur des cabines, révélées à l’air libre quand le bateau se brise. La charge de travail s’en trouve décuplée, puisque chaque pièce est nantie de décorations et de meubles à l’échelle.
Enfin, des matériaux légers, comme du balsa, recouvrent le point de rupture du bateau prédécoupé. On ajoute des petits tubes lâchant des fumerolles et quantité d’étincelles.
À l’économie
L’une des grandes forces de James Cameron réside dans sa capacité à maîtriser, comme nul autre, de vieux trucages éprouvés et, de prime abord, un peu grossiers. C’est aussi le cas dans Titanic : alors que des dizaines d’artisans engloutissent des sommes pharaoniques dans la construction de ces miniatures, le réalisateur fait appel à de vieux complices, les frères Skotak, qui avaient travaillé pour lui sur Aliens, le retour et Terminator 2, le jugement dernier.
Extrêmement débrouillards, ces deux spécialistes de la miniature savent optimiser comme personne leurs moyens. Ainsi, Cameron leur demande de concevoir un plan survenant très tôt dans le film et montrant le Titanic à quai, au loin, alors que Jack joue son sort aux cartes dans un pub du port. Au lieu de se lancer dans la construction de maquettes dantesques, les Skotak utilisent… une simple photo du Titanic pour représenter le « bateau des rêves » ! L’astuce est indétectable et prouve qu’en matière de trucage, les solutions les plus simples sont parfois les plus efficaces.
POUR ALLER PLUS LOIN
Pour admirer de belles maquettes ayant servi sur des tournages, visitez le formidable Musée de la miniature et du cinéma à Lyon, créé par un passionné, Dan Ohlmann, lui-même talentueux miniaturiste.
Un extrait des suppléments du film, sur la scène dans laquelle le Titanic se brise en deux (en VO non sous-titrée).
Mike Verta a pu filmer dans le détail le modèle réduit principal du Titanic, qui réside aujourd’hui au siège de Lightstorm, la société de production de James Cameron. Une chance inestimable d’admirer les détails de cette magnifique maquette.
Un très bref article en anglais, de la revue référence sur les coulisses du cinéma, American Cinematographer, illustré de photos rares des modèles réduits du film
Berton Pierce, lui-même maquettiste sur Grand Budapest Hotel, propose sur sa chaîne YouTube Sense of Scale des entretiens de grands maquettistes du cinéma. Dans cette vidéo en deux parties, il interviewe les responsables de Titanic, dont Gene Rizzardi. Les entretiens, en VO non sous-titrée, sont illustrés par de nombreuses photos de tournage.
Explorez le cinéma selon vos préférences
Découvrez la toute nouvelle expérience dédiée aux passionnés de cinéma : un moteur de recherche intelligent, des expériences exclusives, des contenus inédits et personnalisés.
Créez gratuitement votre compte pour bénéficier des Privilèges We Love Cinéma!