ÉPISODE 21 – Le StageCraft de The Mandalorian
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La scène : En débarquant sur la planète Corvus, le Mandalorian accepte le contrat que lui propose Morgan Elsbeth, impitoyable despote de cette terre désolée. En échange d’une lance en Beskar, le chasseur de prime doit capturer la Jedi Ahsoka Tano. Accompagné de « l’enfant », Mando s’engage dans la lugubre forêt où se cache sa proie.
En collaboration avec le magazine TroisCouleurs, découvrez un métier du cinéma, en explorant les coulisses d’une scène culte. Pour cette fois, on a regardé l’épisode d’une série qui se déroule en majeure partie en extérieur. Et pourtant « La Jedi » fut tourné en studio, grâce à une technologie amenée à bouleverser l’industrie du cinéma : le StageCraft.
Par Julien Dupuy
DU NEUF AVEC DU VIEUX
Il en va des techniques cinématographiques comme de la physique : comme l’écrivit le chimiste Lavoisier, « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Ainsi, le StageCraft, qui a fait sensation lors de la diffusion de la première saison de The Mandalorian, (2019) est loin d’être le fruit d’une immaculée conception. C’est bien le produit d’une longue lignée de technologies.
Son plus vieil aïeul est la rétroprojection, mise au point dans les années 1930 par les employés de la Fox. Elle consiste à projeter derrière les comédiens une extension du décor (fixe ou en mouvement) sur un écran très réfléchissant. Utilisée par exemple pour les scènes de dialogue en voiture, et perfectionnée au fil des ans (notamment par Stanley Kubrick sur 2001, l’odyssée de l’espace), la rétroprojection fut un temps abandonnée au profit des écrans verts ou bleus.
Parallèlement à cette technique, on a vu apparaître, au début des années 2000, de tous nouveaux outils pour éclairer les plateaux de tournage. Ils préfiguraient le StageCraft. Pour filmer les intérieurs des scènes de taxi de Collateral, Michael Mann cerna Tom Cruise et Jamie Foxx de deux grands panneaux LED, diffusant en boucle des halos colorés simulant les lumières des rues de Los Angeles. Plus tard, c’est avec cette même technologie, largement perfectionnée, qu’Alfonso Cuarón filma le visage des stars de Gravity : le réalisateur mexicain plaça ses acteurs dans un cube constitué de panneaux LED. Ces écrans diffusaient des brouillons des environnements numériques, dans lesquels allaient être incrustés les comédiens. Ce faisant, il obtint une interaction lumineuse parfaite entre l’image réelle des comédien et le décor constitué exclusivement d’images de synthèse.
Enfin, la même année, le directeur de la photographie Claudio Miranda remit au goût du jour la rétroprojection avec Oblivion. Pour filmer un appartement situé au milieu des nuages, il entoura un décor constitué majoritairement de baies vitrées, d’immenses écrans ultra réfléchissants, sur lesquels il projeta des vidéos haute résolution de nuages. Les écrans offraient non seulement le panorama désiré, mais aussi la lumière principale de la scène.
À TRAVERS L’ÉCRAN
Quand la production de Mandalorian est lancée, l’industrie toute entière réfléchit à une nouvelle façon de reproduire en studio un espace extérieur, entièrement contrôlable. Quelques années avant le lancement de la série, l’équipe d’effets spéciaux d’Industrial Light & Magic (ILM) a d’ailleurs commencé à travailler sur des brouillons du StageCraft sur le film Rogue One, éclairé par le directeur de la photographie Greig Fraser.
Et c’est le même Fraser qui, avec Richard Bluff d’ILM, mettra en place le mode opératoire du tournage de Mandalorian. Comme pour Oblivion, le StageCraft de Mandalorian consiste à étendre un décor en studio, avec un environnement numérique projeté sur 1 326 écrans LED. Ils forment un immense panneau vidéo incurvé, de 6 mères de haut et 22 mètre de long. La grande nouveauté du StageCraft réside dans la prise en considération des mouvements de la caméra.
Car le StageCraft est aussi un volume de capture de mouvements, le genre même d’espace qui a permis le tournage de films en images de synthèse comme Avatar ou Ready Player One. Mais sur le StageCraft, ce ne sont pas les mouvements des comédiens qui sont captés, mais ceux de la caméra : ainsi le paysage diffusé sur l’écran LED est calculé en temps réel, pour s’adapter aux changements de perspectives induits par les déplacements de l’objectif. L’opérateur caméra peut avancer, reculer, monter ou se baisser : le paysage projeté aura toujours la perspective adéquate pour assurer l’illusion.
ET LA LUMIÈRE FUT
Les avantages d’une telle technologie sont légion : ils plongent tout d’abord les comédiens directement dans l’environnement de la scène, au lieu de les perdre dans un immense cyclorama d’incrustation bleu ou vert. Cela permet également d’obtenir directement sur le plateau la luminosité et tous les reflets adéquats, un atout primordial sur The Mandalorian puisque le héros porte une armure très réfléchissante.
Enfin, le StageCraft offre les quasi pleins pouvoirs au réalisateur et au directeur de la photographie : ils peuvent filmer pendant toute une journée une scène située au crépuscule, assombrir ou éclaircir n’importe quel élément du décor et modifier à loisir le panorama.
Encore balbutiante, la technologie a tout de même ses limites : l’espace de tournage est encore relativement restreint. Et il reste un temps de latence, entre certains déplacements trop rapides de la caméra et le calcul en temps réel du décor photoréaliste.
ÇA FUME !
Sur l’épisode « La Jedi » de la seconde saison de The Mandalorian, le StageCraft prouve à quel point cette technologie évolue rapidement. Le mur de LED est nettement plus grand que sur la première saison, mais pas suffisamment pour le réalisateur Dave Filoni.
Sur le long travelling qui voit Mando aller à la rencontre d’Ahsoka, en traversant la clairière d’une forêt calcinée, l’équipe de Richard Bluff étend le décor en dehors du volume du StageCraft, et ajoute des tours de capture de mouvements pour suivre la trajectoire de la caméra, au-delà des murs de LED.
Mais surtout, Filoni exige que ce décor baigne dans la brume. Tout le décor est inondé de fumigènes, produisant une atmosphère enfumée qu’il faut reproduire en temps réel dans les images de synthèse projetées sur les écrans LED. Bluff et son équipe mettent alors au point un système d’enregistrement des niveaux de fumée présents sur le décor, pour les reproduire dans les extensions virtuelles de l’environnement.
Technologie extrêmement prometteuse, le StageCraft est actuellement en pleine explosion : des volumes similaires ont été installés un peu partout dans le monde, et cet outil est exploité dans quantité de blockbusters récents ou à venir, Thor: Love and Thunder ou encore la série HBO Our Flag Means Death. Nul doute, donc, que cette technologie est amenée à changer en profondeur l’industrie toute entière.
Un grand merci à Thibaut Ribéreau-Gayon d’Arri pour ses précieuses informations.
Pour aller plus loin
Le site officiel du StageCraft (en anglais).
https://www.ilm.com/stagecraft/
Deux vidéos promotionnelles, qui ont fait le tour de la toile, dédiées aux StageCraft (en anglais non sous-titré).
https://www.youtube.com/watch?v=gUnxzVOs3rk
https://www.youtube.com/watch?v=-gX4N5rDYeQ
Une courte mais passionnante interview du directeur de la photographie Barry Baz, sur la scène traitée dans cet article (en anglais non sous-titré).
https://www.youtube.com/watch?v=_tls4HtZdSw
Quantité de sociétés françaises proposent un équivalent au StageCraft d’ILM. Nous n’en citerons que deux. La première, Dark Matters, est pour l’instant l’un des leaders sur le marché, avec d’énormes studios de 17 000 m2.
https://www.darkmatters.one/
Et dans le sud de la France, signalons l’existence de La Planète Rouge.
https://www.laplaneterouge.fr/
Et pour notre habituelle vidéo décalée, un interminable défilé de cosplays de chasseurs de prime venus d’une galaxie lointaine, très lointaine.
https://www.youtube.com/watch?v=iaby26S4f40
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