Il était une fois... King Kong et Godzilla
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Après un choc de Titans, c’est une association historique que nous propose le film Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire (à retrouver le 3 avril dans les salles obscures), dernier né du « MonsterVerse », franchise initiée en 2014 par la Warner. Dans le coin gauche, Godzilla, le roi des monstres, né au Japon en 1954, créature mythique, croisement entre un lézard bipède et un stégosaure. Dans le coin droit, Kong, le père de tous les monstres, protecteur de l’île du Crâne, gorille colossal, obsédé par les blondes, apparu sur nos écrans en 1933. Ce nouveau spectacle son et lumière haut en couleurs, est l’occasion pour nous de revenir sur la genèse de ces deux géants du cinéma, et plus particulièrement, de leurs auteurs dont les intentions dépassaient la simple envie d’amuser les masses.
King Kong, la soif d’aventure
King Kong est né d’une rencontre. Deux anciens soldats rescapés de la Grande Guerre se trouvent des passions communes pour le cinéma et l’aventure. Ernest B. Schoedsack est cadreur depuis 1914. C’est d’ailleurs pour filmer le front qu’il est enrôlé dans le Signal Corps, unité américaine spécialisée dans la communication. Merian C. Cooper est un pilote, un aventurier, un trompe-la-mort. À la fin de la Première Guerre mondiale, il n’hésitera pas à rester aux côtés de ses compagnons polonais pour contrer l’invasion de l’Armée rouge, en vain. Ces deux hommes ont une conception bien particulière du cinéma. Il ne s’agit pas de faire des prises de vues simples, de montrer des scènes banales de la vie quotidienne, non. Pour eux, le cinéma c’est avant tout une invitation au voyage, à l’aventure. Cette conception n’est pas si éloignée de la mission des opérateurs des frères Lumière, qui étaient chargés à la même époque de ramener des séquences de pays parfois lointains, afin de permettre aux spectateurs de découvrir un monde alors inconnu. Cooper et Schoedsack partent donc tourner des films stupéfiants, témoignages de leurs aventures à travers le globe. Leur première production, Grass - Lutte d'un peuple pour la vie (1925), est un documentaire tourné auprès des Bakhtiari, éleveurs nomades en pleine transhumance dans les montagnes iraniennes. On y découvre des hommes, des femmes et des enfants traversant des falaises escarpées, au péril de leur vie, dans des conditions dantesques, à la recherche de plaines verdoyantes, afin d’assurer leur survie. Le film suivant, Chang (1927) est tourné dans un petit village au cœur de la jungle de Siam. Le spectateur, cette fois, est témoin d’une attaque d’éléphants, mais aussi d’une chasse au tigre mangeur d’Hommes. C’est ce souffle épique, cette soif d’aventure qui va faire naître King Kong. Cooper raconte que ce singe géant terrorisant New-York a hanté ses rêves de nombreuses années durant, avant même qu’il ne débute sa carrière au cinéma. C’est en 1933 que cette vision finira par se concrétiser. L’histoire du film est composée de deux parties distinctes. Dans la première, un groupe hétéroclite mené par un réalisateur part tourner un film d’aventure sur une île mystérieuse. La petite virée tourne au drame lorsque l’actrice principale, Ann Darrow est enlevée et livrée à un singe géant par les insulaires. Dans la deuxième partie, l’actrice est finalement sauvée des griffes du monstre, et ce dernier est capturé, ramené à New-York afin d’y être exposé comme nouvelle merveille du monde. Malheureusement la créature s’échappe et sème le chaos dans la ville, avant d’être abattue par des avions de l’armée. Cooper et Schoedsack se partagent les prises de vues, Schoedsack se focalisant sur la réalisation des scènes impliquant des acteurs humains, et Cooper s’occupant de toutes celles avec des effets spéciaux. Les techniques employées pour faire vivre Kong ainsi que les autres créatures qui peuplent son île sont nombreuses, et parfois avant-gardistes pour l’époque. Marionnettes animées image par image, surimpressions, maquettes miniatures, le singe est impressionnant et impose une présence magnétique et anthropomorphe. Son obsession pour la violence et la luxure lui donne un caractère assez dérangeant. La créature sert ici de reflet déformé aux plus vils instincts de l’homme. Il est une allégorie des traumatismes des deux réalisateurs qui exorcisent leurs souvenirs de guerre. L’immense succès de King Kong imposera un nouveau genre cinématographique, le film de monstres, dont l’un des plus illustres représentants nous vient tout droit du Japon.
Godzilla, l’enfant du traumatisme
En 1952, la ressortie de King Kong dans les salles obscures provoque un nouvel intérêt pour le film de monstres. La période est également marquée par la reprise des tests nucléaires américains dans le Pacifique, dont les échos ont fait grand bruit au Japon à la suite d’un incident impliquant un bateau de pêche irradié. Le producteur, Tomoyuki Tanaka, décide de développer un film autour d’un monstre japonais. Tanaka confie le projet à Ishiro Honda, un réalisateur connu pour être un excellent technicien, qui sait respecter les délais et les budgets qui lui sont alloués. Outre sa carrière cinématographique, l’homme est aussi un ancien soldat particulièrement marqué par ses années en Mandchourie. Prisonnier de guerre, il échappe à la mort quand un obus atterri juste devant lui sans toutefois exploser. Honda récupérera l’engin qu’il exposera dans son bureau, telle une relique de son passé belliqueux, comme cela est relaté dans sa biographie écrite par Steve Ryfle et Ed Godziszewski. Honda va puiser dans ses traumatismes pour développer une histoire avec le scénariste Takeo Murata. L’idée est simple, un monstre géant surgit des profondeurs, éveillé par l’activité nucléaire humaine. La créature incontrôlable détruit tout ce qui se trouve sur son passage, ne laissant derrière elle que mort et désolation. L’humanité ne devra son salut qu’à l’union de citoyens et de scientifiques bien décidés à stopper Godzilla. Le monstre est finalement défait par le sacrifice d’un scientifique rongé par la culpabilité d’avoir créé une arme capable de détruire toute vie dans les fonds marins. La conclusion est sans équivoque, si l’Homme n’arrête pas ses activités néfastes pour la planète, d’autres monstres pourraient apparaître. Derrière cette simple histoire de créature destructrice se cache une allégorie de la guerre atomique. Dans les années 50, le Japon est encore profondément marqué par l’attaque d’Hiroshima et Nagasaki. Les ruines fumantes des villes investies par Godzilla renvoient aux images terrifiantes ancrées dans la conscience collective des japonais. La créature est le symbole d’une nature vengeresse face aux Hommes responsables de sa possible destruction. Godzilla, c’est aussi une musique emblématique composée par Akira Ifukube, qui va personnifier et iconiser le monstre. Le film propose également une nouvelle technique pour faire vivre cette créature. Un cascadeur caché dans un costume imposant détruit des maquettes réalistes de villes japonaises. Derrière ce savoir-faire hors norme se trouve Eiji Tsuburaya, directeur des effets spéciaux, lui aussi considéré comme un des pères de Godzilla. Son talent sera ensuite employé durant des années pour créer d’autres films de monstres, mais aussi des productions de super héros typiquement japonais, le tokusatsu, dont Bioman et Kamen Rider sont les plus illustres représentants. Tous ces éléments réunis vont contribuer à l’immense succès du film et au-delà, participeront à l’établissement d’une franchise dépassant les simples frontières du Japon.
Godzilla et King Kong ont donc une parenté évidente. Ces deux films sont les produits d’un monde traumatisé par les deux guerres mondiales, une personnification horrifique des blessures du vingtième siècle. Voilà pourquoi ils ont un caractère universel et fascinent toujours aujourd’hui, réunissant des millions de spectateurs à travers le monde. Godzilla n’a jamais cessé d’apparaitre sur les écrans japonais. Le dernier film de la créature, Godzilla minus one (Takashi Yamazaki, 2023) a connu un immense succès l’an dernier. Il reprend d’ailleurs un cadre post Seconde Guerre mondiale, et traite du sujet douloureux des kamikazes. King Kong n’est pas en reste. Sa genèse si passionnante a été le sujet du livre de Michel Le Bris, Kong édité par Grasset en 2017. Les deux icones du cinéma partagent désormais une franchise commune, fantasme pop absolu, où l’on voit Kong et Godzilla s’affronter puis s’unir pour défaire un adversaire encore plus dangereux qu’eux. Kong est devenu le protecteur de l’humanité et Godzilla celui de la nature. Signe d’un temps où le monde est en péril, menacé par le changement climatique, qui revêt l’apparence d’une nouvelle créature encore plus monstrueuse, mais ceci est une autre histoire...
Raphaël Bleines-Ferrari
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