Il était une fois... Le Festival de Cannes
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Le 25 mai dernier, la 77e édition du Festival de Cannes, a rendu son verdict. Une sélection officielle, plus éclectique que jamais, comprenant des réalisateurs de légende, tels que Francis Ford Coppola et David Cronenberg, mais aussi de petits nouveaux comme Coralie Fargeat, ou Agathe Riedinger, a vu couronner le cinéaste américain Sean Baker pour son film Anora. À cette occasion, revenons aux prémices de cette prestigieuse compétition, afin d’en connaitre les origines historiques, et ses rouages en perpétuels mouvements.
À l’origine, un festival cinéphile français contre le fascisme
Pour raconter la naissance du Festival de Cannes, il faut d’abord s’intéresser à celle de la Mostra de Venise. Ce festival italien créé en 1932 par le Comte Giuseppe di Volpi, en marge de la Biennale de Venise, est, dès sa seconde itération, récupéré par le pouvoir fasciste de Mussolini. Le grand prix, attribué à partir de 1934, est d’ailleurs baptisé à cette occasion coupe Mussolini. En 1938, les pressions et les ingérences politiques sont telles, que les lauréats sont directement imposés par les autorités. Deux films de propagande sont primés cette année-là, Les dieux du stade de l’Allemande Leni Riefenstahl, et Luciano Serra, pilote de l’italien Goffredo Alessandrini, supervisé par Vittorio Mussolini, le fils du Duce. La coupe est pleine pour les cinéphiles français qui décident de contre-attaquer. Philippe Erlanger, haut fonctionnaire, membre du jury de la Mostra, a l’idée dans le train du retour d’organiser un festival concurrent, qui ne ploierait sous aucune manipulation. Il soumet rapidement son plan à Jean Zey, alors ministre de l’instruction publique et des beaux-arts. Le projet séduit le gouvernement d’Édouard Daladier, qui donne son aval en décembre 1938, soutenu par les Américains et les Britanniques. Par la suite, un appel d’offres est lancé afin d’obtenir des propositions de plusieurs villes de France. Le festival doit absolument se tenir dans une commune de villégiature, capable d’accueillir un afflux important de populations. Deux villes se détachent, Cannes et Biarritz. Derrière elles, ce sont les directeurs des palaces locaux qui se font une guerre sans merci, bien conscients de la manne financière et du rayonnement potentiels que pourrait apporter une telle manifestation culturelle. Dans un premier temps, c’est la ville de Biarritz qui a les faveurs des organisateurs, car la municipalité propose une subvention importante afin de soutenir ce festival naissant. La ville de Cannes ne se démobilise pas et offre une aide supérieure à celle des Biarrots et promet également la construction prochaine de nouveaux bâtiments dédiés aux projections, et aux réceptions prévues par le festival. Biarritz ne peut s’aligner sur cette offre et se retire du projet. Le 31 mai, la ville de Cannes signe un contrat avec l’état, le premier festival du film international de Cannes est officiellement annoncé le 1er juin 1939, et doit se tenir en septembre de la même année. Plusieurs films sont prévus pour cette première sélection, notamment La taverne de la Jamaïque d’Alfred Hitchcock, Mr Smith au sénat de Franck Capra, Le magicien d’Oz de Victor Fleming, ou encore La Charrette fantôme de Julien Duvivier. Malheureusement, cette édition sera finalement annulée, rattrapée par la Seconde Guerre mondiale. Le 1er septembre, jour de l’ouverture du festival, l’Allemagne envahit la Pologne, mettant un terme à la paix relative régnant en Europe.
Un festival en perpétuelle mutation
Ce n’est qu’en 1946, soit un an après la fin de la guerre, que le festival a lieu pour la première fois. La compétition de l’époque n’avait pas grand-chose à voir avec la version moderne que nous connaissons aujourd’hui. En effet, il ne s’agissait pas de remettre une récompense pour le meilleur film, mais de distinguer un film par pays représentés. Les projections se font à l’intérieur du Casino municipal de Cannes, du 20 septembre au 5 octobre 1946. Ce n’est qu’à partir de l’édition suivante, que le palais des festivals est utilisé. Inauguré peu de temps avant, le toit de la bâtisse s’envole après un orage. La cérémonie de clôture doit donc une nouvelle fois se tenir au sein du Casino municipal. Malgré le succès des deux premières années du festival, le gouvernement français ne peut se permettre d’en financer un par an. Il est donc rapidement décidé d’effectuer un roulement avec la Mostra de Venise. Les deux festivals auront lieu une fois tous les deux ans, en alternance. Cette alternance sera abandonnée en 1952, en raison de la notoriété croissante de l’édition cannoise.
À partir de 1947, le jury attribue plusieurs grands prix honorant les meilleurs films de la sélection selon leur genre. En 1949, le jury ne donne plus qu’un seul grand prix pour distinguer le meilleur film de la sélection officielle. D’autres récompenses sont attribuées, afin de primer les réalisateurs (prix de la mise en scène), les acteurs (prix d’interprétation masculine et féminine), les scénaristes (prix du scénario). Le jury a également la liberté de décerner des récompenses particulières selon leur bon vouloir, ce qui a pu parfois donner lieu à des distinctions plutôt excentriques, tel que le prix du film lyrique en 1952, le prix du film de la bonne humeur, et du film légendaire en 1953, ou encore le prix de l’humour poétique en 1956. En 1955, Robert Favre Le Bret, délégué général du festival, charge la joaillière Lucienne Lazon de concevoir une récompense reprenant la feuille de palmier, symbole prédominant du blason de la ville de Cannes. Le céramiste et sculpteur Sébastien réalise un socle en terre cuite sur lequel repose la palme de Lucienne Lazon. Cette palme d’or est décernée pour la première fois comme grand prix du festival au film Marty, réalisé par l’américain Delbert Mann.
Au fil des années, plusieurs compétitions parallèles ont été créées en marge de la sélection officielle. En 1962, le Syndicat français de la critique de cinéma propose une sélection mettant en lumière de jeunes cinéastes, réalisant leur premier ou second long métrage. Le jury est constitué de critiques de cinéma. En 1968, les manifestations étudiantes, ainsi que le renvoi du président fondateur de la Cinémathèque française, Henri Langlois, conduisent à l’annulation du 21e Festival de Cannes. À la suite de cette annulation, La Société des Réalisateurs de Film est fondée pour « défendre les libertés artistiques, morales et les intérêts professionnels et économiques de la création cinématographique ». L’année suivante, fort de ses principes, la SRF fonde sa propre sélection parallèle au festival afin de concurrencer la sélection officielle, en distinguant des films innovants et plus ouverts sur le monde. C’est ainsi que « La quinzaine des réalisateurs » est née. Enfin, en 1978, le délégué général de l’époque, Gilles Jacob, décide de fusionner plusieurs sélections parallèles non compétitives fondées à la suite des troubles de 1968, afin de créer la sélection « Un certain regard », qui une fois encore cherche à mettre en lumière des cinéastes inconnues ou peu connues, mais dans un cadre similaire à celui de la compétition officielle. Également depuis 1978, « La caméra d’or » récompense le meilleur premier film sélectionné dans toutes ces compétitions parallèles.
Au cours de ses 77 éditions, le Festival de Cannes n’a eu de cesse d’évoluer pour correspondre à la modernité et aux aspirations de son temps. Désormais, les réalisatrices ont de plus en plus de place au sein de la sélection officielle. Ces dernières années Julia Ducournau et Justine Triet ont d’ailleurs chacune gagné une palme d’or pour leur film respectif. On peut aussi noter la place plus importante prise par les films de genre au sein de la compétition officielle, toujours dans l’idée d’ouvrir le festival à de nouveaux horizons en gommant l’image surannée et fausse d’un entre-soi élitiste, éloigné des préoccupations du public. Le festival a distingué de très nombreux réalisateurs, désormais entrés dans la légende, comme Billy Wilder, Roberto Rossellini, Vincente Minnelli, Vittorio De Sica, Orson Wells, Henri Georges Clouzot, Luis Buñuel, Federico Fellini, Jacques Demy, Robert Altman, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Akira Kurosawa, Emir Kusturica, Steven Soderbergh, Quentin Tarantino, les frères Cohen, Jane Campion, Michael Hanecke, Terence Malick, Bong Joon Ho, ou encore Hirokazu Kore Eda. Cette histoire, riche en découvertes et en succès planétaires, permet de faire rayonner le cinéma et la culture française dans le monde entier, mais ceci est une autre histoire...
Raphaël Bleines-Ferrari
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