La paternité comme une rencontre

Âgé d’une vingtaine d’années au début de l’histoire, Aymeric tente de reprendre le cours de son existence après une séparation et un séjour en prison. Il recroise Florence, une ancienne collègue de travail, qui attend son premier enfant à quarante ans. Lorsque le petit Jim naît, Aymeric est là et l’accompagne tout au long des premières années de sa vie, jusqu’au jour où le père biologique de Jim réapparaît. Le roman de Jim donne à penser la paternité comme une rencontre : celle d’Aymeric avec Jim, par le biais de Florence. Cette rencontre est aussi évidente que décisive, car elle donne un repère précieux à l’enfant et offre un renouveau à l’adulte en quête de sens.

Contrairement à ce que pourrait laisser croire son titre, Le roman de Jim se concentre sur les souvenirs d’Aymeric, rythmés par ses différentes rencontres avec celles et ceux qui deviennent les personnages du récit de sa vie. Arnaud et Jean-Marie Larrieu ont la bonne idée de nous faire entrer dans le film en nous montrant des négatifs photographiques, comme preuves d’un passé aux contours flous. Appareil photo autour du cou, Aymeric trace son chemin sous nos yeux, entre petits boulots et grandes épreuves. Au-delà d'une façon de pérenniser les souvenirs, la photographie semble lui permettre de se convaincre qu’ils existent, comme ce lien entre Jim et lui. Puisque rien ne l’officialise et qu’elle réside dans le cœur, la paternité d’Aymeric devient, au fil du récit, un point de repère autant qu’un point de rupture.

Filmer un chemin de vie romanesque

L’une des grandes forces du roman de Pierric Bailly est sa façon de révéler le romanesque de l’ordinaire. Si la lecture de ses mots donnait le sentiment d’être un interlocuteur privilégié d’Aymeric, de son vécu, de ses états d’âmes, le film, lui, déroule le fil du temps qui passe. 

L’adaptation d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu révèle une certaine tendresse à l’égard de l'œuvre originale et de ses personnages si bien écrits. Karim Leklou incarne magnifiquement Aymeric de ses 20 ans à ses 40 ans, entouré d’acteurs tout aussi remarquables, comme Laetitia Dosch, Eol Personne ou encore Andranic Manet. Dans le film, comme dans le livre, les protagonistes ne sont jamais jugés, pas même Florence, qui privilégie sa liberté au risque de blesser les autres. 

Le roman de Jim nous transporte des montagnes du Jura aux immeubles de Lyon, à travers un parcours de vie ordinaire, semé d’embûches. On observe Aymeric, en proie à une précarité financière et, finalement, familiale, tenter de s’en sortir, de trouver un équilibre. Les cinéastes réussissent à condenser une vingtaine d’années de vie en 1h41 de film avec une fluidité désarmante, tout en conservant la richesse et la sincérité de la réflexion autour de la filiation et de la paternité. Peut-on choisir sa famille ? Comment devient-on père, ou fils ? Si les frères Larrieu lissent quelques subtilités qui apportent davantage de profondeur aux émotions suscitées par le roman, l’adaptation reste une réussite. Les cinéastes et les acteurs donnent vie à l’histoire douce-amère de Pierric Bailly avec sobriété, tendresse et talent.

Marie Serale | @marie_serale